Quand
le mental s'apaise,
C'était y a 16 ans, à
l'université de Reading en Angleterre, je participais à un congrès
sur les nouvelles pédagogies. Parmi les propositions de conférences,
tables rondes et ateliers, je me sentis appelée vers un atelier intitulé
"chant du corps, danse de la voix
L'animatrice nous proposa de "chanter"
des sons étranges... Un exemple : répéter le son
"ni" en boucle en nasalisant. Comme nous formions un groupe
d'une trentaine de personnes et que chacun reprenait sa respiration à
son rythme, cela donna lieu à un étrange voyage musical et sonore.
Je percevais pour la première fois les harmoniques : au-dessus
de ma tête jouait un orchestre invisible, il y avait des guimbardes,
des harpes, des bruits de clochettes... Plus je prêtais attention à
ces sons montant vers le plafond, plus ma voix gagnait en assurance, et comme
on joue avec l'écho, j'avais envie de jouer avec les sons. Cela m'intriguait,
me captivait !
Le chant harmonique provient de
la diffraction du son comme l'arc-en-ciel provient
de la diffraction de la lumière.
Le chant harmonique est pratiqué en Sibérie, en Mongolie, dans la petite république de Tuva par les chamanes, et également lors des rituels du bouddhisme tibétain. Ces chants, qu'on appelle aussi
diphoniques, sont utilisés pour guérir et soulager.
Toutes les traditions et tous les
peuples utilisent la voix, le son et les chants pour célébrer
les fêtes, pour marquer les rites de passage (naissance, entrée
dans l'âge adulte, mariage, deuils), pour travailler, pour faire pleuvoir,
pour la bonne croissance des
céréales...
Ici en Occident, où ces
rites n'existent presque plus, nous pouvons tout de même souligner la
puissance des chansons et des musiques qui ont marqué nos vies, par
leur impact émotionnel et affectif.
Une amitié, un amour et
le souvenir d'une musique partagée... Les tubes de l'année du
bac, la naissance d'un enfant et la chanson qu'on aimait à ce moment-là, et tant d'autres souvenirs racontent l'indicible de notre histoire.
Ce qui m'a touchée et passionnée
c'est la dimension infinie du son : le son voyageur... le son est lumière,
il nous traverse, il traverse le temps et l'espace...
J'aime voyager... le son m'a fait voyager dans les sensations
de mon corps, il m'a aidé à me déployer et à m'édifier... à entrer en résonance avec
des aspects non révélés de ma personnalité : ces prises de conscience m'ont fait grandir
Alors je me suis intéressée
aux musiques du monde : amérindiennes, indiennes, orientales,
africaines, japonaises, aborigènes... Je me suis intéressée
aux rythmes : tabla, djembé, derbouka, tambours japonais... Je
me suis intéressée aux voix du monde : jeux vocaux des
Inuits, psalmodies orientales, transes africaines, polyphonies...
Dans les ateliers que j'anime,
j'essaye de restituer tout cela, ce voyage musical qui conduit à un
voyage intérieur dans le corps, dans le coeur, dans l'imaginaire.
Pour chanter il faut entendre,
et pour entendre il faut faire le silence :
Debout, assis, allongé,
on prend le temps d'inspirer et d'expirer calmement en vidant sa tête
des pensées qui défilent pour donner toute la place aux sensations
corporelles : est-ce que j'ai froid aux pieds ? Est-ce que
ma tête est trop chaude, mes mains brûlantes ? Est-ce que
j'ai une tension dans la nuque, dans le bas du dos ? Je vais y mettre
de l'attention, faire un état des lieux & Pour cela, je me pose
et je dépose le stress, les soucis, les questions du moment. Je suis
avec moi-même, je me donne du temps, je m'écoute en dedans...
Puis, je laisse venir un petit
son presque inaudible, comme un marmonnement, un chantonnement, et le son
" se balade" dans mon corps, où il opère un nettoyage
vibratoire. La vibration sonore calme et ralentit mes
pensées car mon esprit est occupé à écouter le
son, l'inspire et l'expire... je commence à m'apaiser.
Je commence à sonoriser
des voyelles ; cela peut être un O en continu, un A, un OU. De
toute façon, je sens que le son me fluidifie, m'assouplit, libère
mes tensions corporelles. J'ai l'impression de nager ou de voler dans le son...
Souvent cela s'accompagne de mouvements très doux : oscillation,
balancement, déploiement des bras, des mains. Les jambes et tout le
bas du corps se décrispent à leur tour.
Au cours de ce travail préparatoire,
on goûte déjà un certain confort ainsi qu'une profonde
détente psychique et physique. On prend conscience de sa place dans
l'espace, on sonorise pour tout son dos, pour la terre sous ses pieds On imagine
la voûte céleste et notre poitrine et notre gorge se déploient.
On chante pour l'espace devant soi, on imagine l'horizon, on continue de chanter
pour tout l'espace à notre droite et tout l'espace à notre gauche,
pour les six directions. C'est comme
un massage de vibrations sonores que l'on donne à soi et aux autres,
et en même temps que l'on reçoit du groupe.
Ensuite, chacun entre dans sa mélodie
de l'instant, en prenant appui sur le bain sonore émis par le groupe.
En fonction des saisons, de l'humeur ambiante du groupe un chant jaillit,
spontané et pourtant rappelant souvent des ambiances connues :
gospel, amérindienne, asiatique...
On s'écoute, on écoute
les autres... on se sent comme l'arbre qui est unique et à la fois
un élément de la forêt. Cette présence à
soi en relation avec les autres est extrêmement apaisante et réparatrice.
On voyage, on respire, on s'oxygène, car ces sons qui émanent
de notre corps manifestent nos émotions retenues : chagrins, colères,
espoirs, douceur... Ces sons nous lavent et
nous régénèrent comme peut le faire la nature.
Au fil du chant, souvent
des images nous viennent, comme si un film de voyage défilait sous
nos yeux. Ce film nous parle de nous, tout comme le monde des rêves.
Ceci est une des propositions infinies
du travail du corps et de la voix :
Comme
un chaman,
= N°82/83 "Art et thérapie" sur la présence
avec un article de Bénédicte Pavelak sur la résonance. |
Cliquer sur le bouton pour arrêter ou reprendre la musique : Vous écoutez : L'Appel des Cloches de Temples dans la VallŽe, d'Alain Kremski, album Werke fŸr tibetische Klangschalen Webmaster, conception et mises à jour : B. de Lambertye Textes : Anne Ghodbane-Richard Accueil Association Animatrice Agenda Origine |